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Jusqu’à présent, la Cour de cassation considérait que la preuve obtenue à l’insu de son adversaire (enregistrement clandestin par exemple) était déloyale et donc irrecevable.

Par un arrêt du 22 décembre 2023 (Cass.Ass.Plén, 22 décembre 2023, n° 20-20.648) la Cour de cassation en Assemblée Plénière juge que la déloyauté n’est plus nécessairement un motif d’irrecevabilité.

En l’espèce, elle retient donc comme mode de preuve un enregistrement audio du salarié obtenu à son insu.

Le Juge devra donc apprécier au cas par cas si le mode de preuve ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de l’adversaire.

Ce faisant, la Cour de cassation suit la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

En effet, celle-ci ne retient pas par principe l’irrecevabilité des preuves déloyales.

Elle demande au Juge de « mettre en balance » les droits et intérêts en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation le 12 juillet 2023 (n°21-19.362, 488 F-B).

Dans cette affaire, un jugement confirmé par un arrêt avait dit que l’autorité parentale est exercée conjointement, fixé la résidence de l’enfant au domicile de son père et accordé un droit de visite et d’hébergement au profit de la mère.

Informée du déménagement du père en Alsace, la mère avait saisi le juge aux affaires familiales afin d’obtenir le transfert de la résidence habituelle de l’enfant à son domicile.

La Cour d’appel rejette sa demande et fixe la résidence habituelle de l’enfant au domicile paternel après avoir mentionné que l’enfant a été entendu le 10 février 2021, assisté de son avocat, par le conseiller de la mise en état.

La mère forme un pourvoi en cassation en reprochant à la Cour d’appel d’avoir statué de la sorte alors même qu’elle ne s’était pas vu communiquer le compte-rendu de cette audition.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel pour violation des articles 338-12 et 16 alinéa 1er du code de procédure civile au motif qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des pièces de la procédure qu’un compte rendu de l’audition de l’enfant ait été communiqué aux parties.

Elle rappelle en effet qu’il résulte de l’article 338-12 du code de procédure civile que, lorsqu’il a été procédé à l’audition d’un mineur en application de l’article 388-1 du code civil, il est dressé, dans l’intérêt de l’enfant, un compte rendu de cette audition, soumis au respect du contradictoire et que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Dès lors, selon la Cour de cassation, cela implique que les juges du fond s’assurent de la communication effective aux parties du compte-rendu de l’audition de l’enfant avant de statuer sur leurs demandes et cette communication doit être mentionnée dans l’arrêt ou, à défaut, ressortir des pièces de la procédure.

Avant cet arrêt, certaines juridictions refusaient de communiquer le compte-rendu d’audition de l’enfant directement aux avocats par RPVA (intranet entre les juridictions et les avocats), à la différence des juridictions d’appel, et soumettaient sa lecture à la prise d’un rendez-vous au greffe de la juridiction.

Espérons que cet arrêt permette enfin d’uniformiser les pratiques et généralise la transmission du compte-rendu de l’audition de l’enfant par RPVA ce qui sera, inévitablement, gage de célérité et d’efficacité pour les justiciables !

En l’espèce, la Cour de cassation retire l’exercice de l’autorité parentale au parent responsable de l’escalade du conflit arrêt du 16 novembre 2022 (Civ 1ère, 16 novembre 2022, n°21-15.002)

En l’espèce, alors même que les parents exerçaient en commun l’autorité parentale à l’égard de l’enfant, la mère a multiplié les procédures judiciaires et les démarches non concertées à propos de la scolarisation de l’enfant, retardé unilatéralement le retour de l’enfant auprès de son père, qu’elle n’avait eu de cesse de dénigrer, et alerté les forces de l’ordre et le Procureur de la République.

Elle avait elle-même désigné l’enfant comme « l’enfant de la guerre » !

L’escalade du conflit parental, alimenté par la mère, a créé chez l’enfant un état d’insécurité permanente, le plaçant dans un conflit de loyauté tel que selon la Cour de cassation son intérêt justifiait de confier l’exercice unilatéral de l’autorité parentale au père.

Elle estime ainsi que le comportement de la mère démontre non seulement son inaptitude à respecter les droits de l’autre parent mais surtout à répondre aux besoins de l’enfant.

Cette décision ne peut qu’être saluée car l’enfant doit être protégé du conflit.

Les Juges ont trop tendance à renvoyer les parents dos à dos…

Certes, ils sont parfois tous deux responsables du conflit parental mais pas toujours et il faut trouver les moyens de désarmer le parent qui, alimente le conflit…pour l’enfant.

Beau rappel à l’ordre de la Cour de cassation !

La prestation compensatoire s’apprécie indépendamment des droits que les époux tirent du régime matrimonial.

Le 21 septembre 2022 (Civ 1ère, 21 septembre 2022, n°21-12.344), la Première Chambre Civile de la Cour de cassation est venue confirmer une jurisprudence constante (Civ 1ère, 21 septembre 2016, n° 15-14.986) selon laquelle l’appréciation de la disparité pour fixer une prestation compensatoire est déterminée indépendamment de la part de communauté devant revenir à l’époux créancier de la prestation compensatoire.

En l’espèce, un époux a été condamné à verser à son épouse une prestation compensatoire évaluée en excluant les droits des époux dans liquidation de leur régime matrimonial.

Contestant l’évaluation réalisée par les juges du fond, l’époux a formé un pourvoi reprochant à la Cour d’Appel de ne pas avoir recherché si la liquidation du patrimoine commun n’était pas de nature à réduire sensiblement les besoins de l’épouse créancière de la prestation compensatoire.

En d’autres termes, la liquidation à venir du régime matrimonial devait-elle être prise en compte dans la fixation de la prestation compensatoire ?

La Haute Juridiction n’accueille pas le moyen : « la liquidation du régime matrimonial des époux étant par définition égalitaire, il n’y avait pas lieu de tenir compte de la part de communauté devant revenir à Mme [U] pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal dans les situations respectives des époux ».

La critique est permise lorsque l’on sait que très souvent les époux ont des droits inégalitaires dans la communauté car ils sont titulaires d’une dette ou créance de communauté et que l’article 271 du Code civil impose de prendre en compte les patrimoines des époux après la liquidation du régime matrimonial.

A nuancer : les droits dans la liquidation ne sont pas pris en compte pour apprécier la disparité mais dès lors qu’elle est établie, le résultat prévisible de la liquidation du régime matrimonial sera pris en compte afin de chiffrer la prestation compensatoire.

Espérons que la Cour de cassation reverra prochainement sa copie !