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Le 2 octobre 2024 (Cass. Civ. 1re, 2 octobre 2024, n°22-20.990, inédit), la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle une solution affirmée quant à l’existence d’une récompense lorsque le contrat de retraite complémentaire est financé par des deniers communs : si un contrat de retraite complémentaire constitue un bien propre par nature à l’époux souscripteur commun en biens, récompense sera due à la communauté chaque fois qu’il aura été alimenté par des deniers communs.

Dans cette affaire, les époux étaient mariés sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts.

L’époux avait souscrit un contrat d’assurance-vie (substitué à un contrat de retraite complémentaire « placement loi Madelin ») non dénoué, à son profit.

La question de la nature juridique du contrat n’avait pas été tranchée par la Cour de cassation et ne faisait en réalité pas débat, ce dernier ayant été reconnu comme un bien propre par nature à l’époux souscripteur.

Une fois la question de la qualification juridique tranchée, se posait celle de son financement.

En effet, le contrat avait été financé par des derniers communs jusqu’à la date des effets du divorce et l’épouse sollicitait donc une récompense au profit de la communauté, ce que les premiers juges lui ont refusé en raison « du caractère personnel du contrat ainsi que des sommes futures ».

Cassation partielle !

En effet, la Haute juridiction rappelle que si le contrat de retraite complémentaire est un bien propre à l’époux souscripteur commun en biens, l’époux ayant alimenté, par des deniers communs, un compte personnel d’épargne de retraite complémentaire en doit récompense à la communauté.

L’enjeu était ici important puisque l’épouse estimait que la communauté avait financé le contrat de retraite complémentaire propre à l’époux à hauteur de 102.212 €. En suivant le raisonnement des juges du fond, la communauté se trouvait appauvrie tandis que l’époux souscripteur s’enrichissait aux frais de la communauté… une position particulièrement inique !

C’est en réalité une application stricte de l’article 1437 du Code civil, qui dispose que « toutes les fois qu’il est pris sur la communauté une somme, soit pour acquitter les dettes ou charges personnelles à l’un des époux, telles que le prix ou partie du prix d’un bien à lui propre ou le rachat des services fonciers, soit pour le recouvrement, la conservation ou l’amélioration de ses biens personnels, et généralement toutes les fois que l’un des deux époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté, il en doit la récompense ».

Etant précisé que, bien que l’arrêt cité ne le mentionne pas, cette solution vaut autant que le contrat ne prévoit pas de réversibilité au profit du conjoint en cas de décès du souscripteur. En effet, dans ce cas, le contrat de retraite qui prévoit une telle réversibilité, ne donne pas lieu à récompense car le conjoint en profite, sauf lorsque la réversibilité est révocable (c’est-à-dire que le souscripteur conserve la possibilité de modifier le bénéficiaire du contrat).

L’ordonnance de protection créée par la loi du 9 juillet 2010 permet au juge aux affaires familiales d’assurer la protection d’une victime vraisemblable de violences conjugales la mettant en danger ainsi que les enfants du couple en prononçant en urgence, indépendamment d’un dépôt de plainte, des mesures de protection judiciaires : attribution de droit à la victime du logement conjugal, interdiction pour l’auteur des violences de se rendre au domicile conjugal, exercice exclusif de l’autorité parentale…

Depuis sa création, cette ordonnance a fait l’objet de multiples modifications législatives qui ont permis de libérer la parole des victimes, multiplier le prononcé des ordonnances et améliorer la protection des victimes de violences conjugales et intrafamiliales.

Pourtant, malgré ces avancées majeures ces dernières années, les violences demeurent à des taux élevés et sont d’ailleurs en augmentation.

En effet, selon les chiffres des violences conjugales enregistrés par les services de sécurité en 2022 et publiés par le ministère de l’Intérieur le 16 novembre 2023, les victimes de violences conjugales sont en hausse de 15 % par rapport à 2021, au nombre de 244 000, et sont en grande majorité des femmes.

Les violences sont physiques pour les deux tiers, verbales ou psychologiques dans 30 % des cas et sexuelles pour 5%.

Ces tristes statistiques nous rappellent que la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales sous toutes ses formes doit demeurer une priorité.

Ainsi, la loi n°2024-536 du 13 juin 2024 renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate est donc bienvenue.

Nous vous en résumons la teneur.

I. Renforcement de l’ordonnance de protection :

Le premier apport de la loi du 13 juin 2024 est de renforcer les mesures provisoires de l’ordonnance de provisoire en :

Ces mesures peuvent être prolongées si entre-temps une demande en divorce, de séparation de corps ou de fixation des modalités d’exercice de l’autorité parentale est déposée devant le juge aux affaires familiales.

II. Création de l’ordonnance provisoire de protection immédiate (OPPI) :

La création de l’OPPI est le deuxième apport de la loi du 13 juin 2024.

La loi du 13 juin 2024 créé l’ordonnance provisoire de protection immédiate (OPPI) permettant à une victime exposée à un danger grave et immédiat (y compris les personnes menacées de mariage forcé), d’obtenir dans les 24h une ordonnance ayant vocation à assurer sa protection durant le délai de six jours nécessaire au juge aux affaires familiales pour se prononcer sur une demande d’ordonnance de protection.

Avant durant ces six jours, la victime confrontée à un danger grave ou imminent ne bénéficiait d’aucune protection.

Il s’agit donc d’un apport majeur pour la protection des victimes.

Précisons toutefois que l’ordonnance provisoire ne pourra être demandée que par le procureur de la République lorsque le juge aux affaires familiales sera saisi d’une demande d’ordonnance de protection.

Dans le cadre de cette ordonnance provisoire, des mesures de protection judiciaires pourront être prononcées à l’encontre de l’auteur présumé des violences telles que l’interdiction d’entrer en contact avec la victime, l’interdiction de paraître dans certains lieux (domicile, lieu de travail de la victime, école des enfants),la suspension du droit de visite et d’hébergement du parent présumé auteur des violences, l’interdiction de détenir une arme et l’obligation de la remettre aux forces de l’ordre).

Comme dans le cadre de l’ordonnance de protection, le procureur de la République peut également délivrer à la victime un téléphone grave danger, dispositif de téléprotection accessible 7 jours sur 7 et 24h/24 permettant à la victime d’alerter les forces de l’ordre en cas de danger grâce à un téléphone portable disposant d’une touche dédiée.

III. Renforcement des sanctions pénales en cas de violation des mesures ordonnées par le juge :

La loi du 13 juin 2024 augmente la peine en cas de non-respect d’une ou plusieurs obligations ou interdictions imposées par l’ordonnance de protection (portant à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende contre 2 ans de prison et 15 000 € d’amende).

***

Parallèlement, la jurisprudence n’est pas en reste et répond au besoin de protection des victimes de violences conjugales en facilitant le travail probatoire de la victime et en interprétant souplement les conditions législatives.

En effet, dans le cadre d’une demande d’ordonnance de protection, il incombe à la partie demanderesse de prouver conformément à la loi les violences dont elle est victime en respectant le principe de loyauté de la preuve qui interdit en principe de produire un enregistrement à l’insu d’un tiers.

Or, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence aux termes d’un arrêt en date du 22 février 2022 a infléchi la jurisprudence constante en considérant que la production d’un enregistrement à l’insu de l’auteur présumé des violences peut être recevable, l’atteinte au droit au respect de la vie privée et au procès équitable pouvant être justifiée par l’exercice du droit fondamental à la preuve à la condition toutefois que cette atteinte soit proportionnée au but recherché et qu’elle soit indispensable pour prouver le fait allégué.

Cette jurisprudence a été entérinée par la Cour de cassation aux termes d’un arrêt d’assemblée plénière du 22 décembre 2023 (n°20-20.648).

C’est donc une avancée majeure pour les victimes de violences psychologiques car il est particulièrement difficile voire impossible, en l’absence d’enregistrements, de rapporter la preuve de telles violences dans la mesure où elles se déroulent la plupart du temps dans le huis-clos familial en l’absence de témoins.

Tout récemment encore, aux termes d’un arrêt en date du 23 mai 2024 (n°22-22.600), la Première Chambre Civile de la Cour de cassation a estimé qu’un juge aux affaires familiales qui délivre une ordonnance de protection peut interdire au défendeur d’entrer en relation avec l’enfant de la victime sans se prononcer sur l’existence d’un danger spécialement encouru par l’enfant.

Espérons donc que cet arsenal législatif et judiciaire de plus en plus étoffé permette de mieux protéger les victimes et d’en diminuer substantiellement le nombre.